Par Antoine Desrues
10 juillet 2024
MAJ : 12 juillet 2024
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Difficile de catégoriser To the Moon, qui s’amuse à naviguer entre la comédie romantique, le film historique sur Apollo 11 et le gros délire fictionnel nourri par des décennies de théories du complot. Ce qui est sûr en revanche, c’est que le long-métrage de Greg Berlanti est aussi charmant que Scarlett Johansson et Channing Tatum, et interroge avec malice l’héritage de la conquête spatiale. En salles le 10 juillet.

L’Étoffe des zéros sur le chèque
A première vue, To the Moon a quelque chose de joliment désuet, qui dépasse son décorum sixties et ses costumes glamour. En partant des théories du complot autour du faux alunissage d’Apollo 11 pour y développer une comédie romantique, le scénario de Rose Gilroy s’amuse déjà d’un contraste d’échelle entre une fiction intime, pour ne pas dire dérisoire, et l’ampleur d’un événement historique majeur du XXe siècle.
S’il est loin d’être original, ce décalage donne au film son ton fantaisiste, à la fois léger et piquant, porté par ses dialogues hérités des classiques de la comédie américaine. L’attraction principale du film est d’ailleurs amplement suffisante : voir Scarlett Johansson et Channing Tatum se renvoyer la balle façon Katharine Hepburn et Cary Grant, avec le code habituel du couple que tout oppose, mais qui apprend à s’apprivoiser l’un l’autre.
Cole Davis (Tatum) est le directeur de la mission, éternel idéaliste qui voit les prouesses de la NASA comme un rêve collectif à accomplir. Kelly Jones (Johansson) vient chambouler cet optimisme en tant que spécialiste marketing, censée “vendre” la mission Apollo à l’heure où le gouvernement américain envisage de réduire son financement. Deux visions opposées du monde, mais qui n’encapsulent que trop bien une certaine idée de l’Amérique, où l’accomplissement et la noblesse de la transcendance humaine se raccordent toujours au cynisme de marchands de tapis.
To the Moon fait le constat doux-amer qu’un équilibre est nécessaire, quitte à autantpointer du doigt les manipulations de Jones que la naïveté de Davis, qui choisit d’ignorer la donnée propagandiste de ce duel idéologique contre l’URSS. Or, tout en jouant avec l’évolution de leur relation (l’ensemble doit beaucoup au charme de ses comédiens), le réalisateur Greg Berlanti (Love, Simon) capte surtout un glissement post-moderne assez passionnant.
Darkest Side of the Moon
Si le film fictionnalise les fantasmes autour d’images d’Apollo 11 tournées en studio (mandatées ici à Kelly Jones par le gouvernement), c’est en prenant conscience de l’importance prise par cette théorie du complot au fil des décennies. Le cinéma a joué à maintes reprises avec cette manipulation supposée de la vérité de cette captation audiovisuelle (avec pour point d’orgue le faux documentaire Opération Lune) pour mieux interroger les origines de cette méfiance.
C’est tout le sujet de To the Moon : à force de pervertir la pureté d’une découverte scientifique majeure par ses contingences politiques, militaires et économiques, la remise en cause de ce progrès ne peut qu’être interrogée. Le film essaie régulièrement d’être exhaustif sur le contexte social de l’époque (l’échec traumatique d’Apollo 1, la guerre du Vietnam qui bat son plein et dévoile au monde ses terrifiantes coulisses…), mais perd de son rythme fringant au passage.
C’est même le problème global du long-métrage. A vouloir lier les faits historiques aux délires de sa fiction, Berlanti se prend les pieds dans le tapis, et épuise le pouvoir humoristique du projet dans ses moments les plus attendus (le tournage en studio est assez décevant dans ses ressorts). C’est d’autant plus dommage que cette baisse de régime fait de To the Moon un feel-good movie quelque peu mineur, alors qu’il est loin d’être aussi désuet qu’il le laisse penser.
Derrière les relents nostalgiques de sa fabrication, c’est bien tout un imaginaire de la conquête spatiale qu’il convoque, de L’Étoffe des héros à 2001 : L’Odyssée de l’espace. Ce mix d’influences, parfaitement digéré par les postes clés du film, boucle la boucle à sa manière. Dariusz Wolski, le chef opérateur de Ridley Scott, donne à la froideur du numérique les teintes pastel de la pellicule d’antan, tandis que Daniel Pemberton signe encore une fois l’une des meilleures BO de l’année, entre jazz, orchestre symphonique et synthétiseurs.
La connexion entre passé et présent est essentielle, car cette imagerie est de nouveau exploitée par ceux qui veulent s’approprier la conquête spatiale. Sauf qu’il n’est plus question d’États, mais de sociétés privées et des mégalomanes de la Sillicon Valley (Jeff Bezos, Elon Musk). L’espoir d’un avenir meilleur n’est plus que la vitrine d’un libéralisme hors de contrôle (tourisme spatial, colonisation…), soit l’enfer que n’a cessé de craindre Cole Davis. Non sans un regard critique, To the Moon renvoie à cette ambiguïté politique des missions Apollo, mais choisit aussi son camp : celui d’un optimisme salvateur, qui fait du bien par où il passe.
Rédacteurs :
Antoine Desrues
Résumé
Malgré une écriture en dents de scie, To the Moon convainc par ses acteurs et sa dimension de comédie américaine old-school, tout en convoquant une modernité politique sur notre ère de la post-vérité et l’héritage de la conquête spatiale.
Tout savoir sur To the Moon
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- Romance
- Comedie
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Alberto Sordide
il y a 5 mois
Ce film fait l’apologie de la manipulation des masses par des petits cons prétentieux de la com américaine. Et vous le qualifiez de «charmant»?
Aucun esprit critique !
Tony B
il y a 5 mois
La critique est aussi nulle que le film.
Kekos Mitch
il y a 5 mois
Je ne comprends pas cette critique. Le film est daté. Un héros de guerre qui ne veut pas montrer ses sentiments de culpabilité (les mecs ça pleure pas).
Une working girl amoureuse avec un lourd secret (mais qui fait flop). «Oulala mon travail ou mon amour».
La moralité c’est qu’il ne faut pas mentir… C’est pas bien.
Woody Harrelson interprète un mec qui fait du chantage (prêt à tuer ou briser des vies) pour manipuler l’opinion… Mais qui est gentil en fait, c’est pas grave d’être un monstre si c’est pour les USA.
Ca explique aussi que c’est grâce aux financements privés et a la publicité que les rêves sont possibles. On dirait un film des années Reagan.
C’est long, pas drôle, ça apprend pas grand chose et ça a des valeurs douteuses.
David Banner
il y a 6 mois
C’est Capricorn One en version gentille ?
charlie
il y a 6 mois
le film entier a été construit autour de vouloir faire la blague vue dans la ba: «on aurait du demander à Kubrick». Inintéressant, passez votre chemin
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